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Ralentissement des transactions : préfigurateur d'une baisse ? 

Suite au précédent article qui évoquait le tunnel tracé par l'économiste J. Friggit, nous avons reçu plusieurs questions à ce sujet. Revenons-y pour lui assurer la notoriété qu'il mérite. Ce graphique, publié et mis à jour ici, met en relation l'évolution des prix de l'immobilier avec l'évolution des revenus. L'idée de base est que les revenus créés par un bien immobilier sont indexés, bon an mal an, sur les revenus de ses occupants.

Source : CGEDD d’après INSEE, bases de données notariales, indices Notaires-INSEE désaisonnalisés et DGFiP (MEDOC)

La courbe verte compare, elle, le montant total des transactions par rapport à sa tendance à long terme, qui est croissante en raison de l'augmentation naturelle des prix liée à l'augmentation des revenus.

Que peut-on lire sur ce graphique ? Tout d'abord, que les prix sont restés contenus, depuis longtemps, dans un tunnel d'une amplitude de 10% autour de la moyenne, ce pendant près de 40 ans. L'étude des prix antérieurs est moins pertinente en raison d'une forte déformation des prix imposée par la loi, notamment les gels de loyers (qui se voyaient alors dévalorisés par l'inflation) et d'événements perturbateurs comme les guerres mondiales.

La courbe en vert représente le volume financier des transactions, pas de leur nombre. Il s'accroit donc avec les prix, et avec le dynamisme du marché. Pour aboutir à une droite, il est divisé par sa progression moyenne, qui reflète l'augmentation « naturelle » des prix sur le long terme. Et l'on constate que s'il bouge plus largement autour de sa moyenne, il semble également suivre une tendance. En effet, les transactions sont relativement constantes dans le temps, et les prix, on l'a dit, suivent une croissance naturelle : le montant total des transactions suit donc également un tunnel autour d'une valeur moyenne

En quoi ce graphique est-il intéressant ? Certains lui confèrent une valeur prédictive, comme si la courbe devait inexorablement retourner dans le tunnel, par une sorte d'effet magique. C'est une conclusion un peu simple. Commençons par nous demander pourquoi, dans un marché libre, les prix ont observé une tendance relativement constante ? Parce que l'achat immobilier va être motivé par la volonté de ne plus payer de loyer ou celle de faire un placement, donc d'encaisser des loyers. Loyers qui vont dépendre des revenus. Le prix maximum d'achat devra donc offrir un rapport intéressant entre le prix et les loyers. Si le rapport devient trop élevé, l'achat devient moins intéressant, moins de gens achètent, et les prix se modèrent. Inversement, quand le rendement devient attractif parce que le prix est descendu trop bas, les investisseurs arrivent en masse sur le marché et achètent, ce qui contribue à faire remonter les prix grâce à l'augmentation de la demande.

Pourquoi, alors, a-t-on assisté à des sorties brutales de ce tunnel ? Parce qu'il y a dans l'achat immobilier une dimension spéculative. Si l'on s'attend à ce que quelque chose ne baisse jamais, comme les actions jusqu'en 1929 ou les tulipes en Hollande, le prix d'achat n'est pas un critère, car on revendra nécessairement plus cher. On va donc acheter non plus sur la base des revenus que l'on compte tirer de l'occupation du bien, mais sur la base de sa capacité d'achat maximale : si l'on achète cher, ce n'est pas grave, c'est le prix, rationnalise-t-on, et on revendra de toute façon plus cher, ce qui fait passer la pilule.

C'est ce qui s'est produit dans toute la France depuis les années 2000, et à Paris et dans certaines zones recherchées à la fin des années 80. Si le graphique national reste dans le tunnel, on constate que la province n'a que très peu monté en moyenne, et que l'Ile-de-France, Lyon et Nice ont quitté le tunnel.

Source : CGEDD d’après INSEE, bases de données notariales et indices Notaires-INSEE désaisonnalisés.

Lorsque les prix montent, ils entraînent une euphorie d'achat, et entretiennent la bulle. Si elle se produit assez longtemps, l'idée même qu'un bien immobilier puisse baisser devient ridicule. De nos jours, on trouve à Paris des gens pour nier que les prix puissent-y baisser, alors qu'ils ont subi une baisse de près de 50% dans les meilleurs arrondissements entre 1990 et 1996... La plupart des gens ne suivant que très ponctuellement le marché immobilier, ils ne se rendent pas compte des évolutions qui ont lieu lorsqu'ils ne sont pas en phase d'achat ou de revente... Comme pour toute bulle, elle peut donc monter très haut, auto-entretenue, et n'être finalement limitée que par la capacité d'achat des ménages. On notera d'ailleurs que si la bulle actuelle a eu une plus grande ampleur que la précédente, c'est en raison des taux qui ont considérablement baissé, leur donnant une plus grande capacité d'endettement. Ils ont donc objectivement eu une capacité d'achat plus grande, qu'ils se sont empressés de mettre au service de la bulle en ne se demandant pas si, dans leur situation, il était intéressant et rentable d'acheter. D'où l'augmentation du nombre de transactions qu'on a pu observer durant la constitution de la bulle immobilière. Le nombre d'acheteurs a augmenté, car l'achat immobilier, devenu accessible même sans apport, était présenté comme un moyen d'enrichissement autant que comme un mode d'occupation d'un logement... Avec plus d'acquéreurs solvables sur le marché, la demande était plus forte, et la bulle a pu atteindre des proportions inégalées.

Qu'est-ce qui cause l'éclatement des bulles ? Généralement, des événements extérieurs et sans rapport, une combinaison de facteurs qui ébranlent la confiance du marché, et sonnent le glas de l'euphorie. Les prix tendent alors à retourner vers leur valeur fondamentale, en rapport avec les loyers, donc, dans notre cas, à rentrer dans le tunnel. La crise immobilière américaine, et sa conséquence, la crise bancaire mondiale, ont été ici le facteur déterminant.

Que nous apprend la courbe du montant des transactions ? Dans l'expression « loi de l'offre et de la demande », la demande est définie comme les acheteurs potentiels, qui sont capables de payer le bien au prix proposé. Lorsque le prix est assez bas, la demande est importante, ce qui fait monter les prix, et au cours de cette hausse, la demande baisse, vu qu'il y a moins d'acheteurs solvables au nouveau prix. Lorsque la courbe verte monte plus vite que la courbe des prix, c'est que le marché se dynamise, et l'augmentation des transactions préfigure donc une hausse des prix, jusqu'à atteindre l'équilibre. On peut le constater sur le graphique : les périodes de hausse des montants totaux précédent légèrement celles des prix. On constate également l'opposé : les ralentissements d'activité, qui signifient que la demande disparaît, sont en avance sur les baisses de prix.

Ce qui caractérise la situation actuelle, c'est l'extrême brutalité de la baisse des transactions. Même dans le secteur le plus demandé, Paris, les transactions entre février 2008 et février 2009 ont baissé de 43%, presque une division par 2. La chute s'est faite en très peu de temps, et à un rythme de chute inédit depuis la guerre. On le remarque à la pente descendante de la courbe verte.

Peut-on en déduire que les prix vont suivre avec la même ampleur ? C'est prématuré. Si la crise s'achevait soudainement, si de grands événements impossibles à prévoir survenaient pour redonner confiance aux acheteurs, on ne peut exclure que les transactions se multiplient à nouveau, et que la situation de chute se stabilise. Dans une bulle, le comportement des acheteurs est irrationnel, et c'est donc sur les facteurs psychologiques qu'il faut se focaliser pour l'expliquer. Néanmoins, à l'heure actuelle, la plupart des analystes sont pessimistes sur la situation économique. C'est pourquoi ils prédisent maintenant majoritairement des chutes de prix pour 2009 et pour les années suivantes. La décalage dans le temps s'explique facilement : les vendeurs ne sont parfois pas pressés de vendre, et préfèrent s'arcbouter sur les prix de vente qui étaient ceux des plus hauts plutôt que de baisser. Ils ne le font que lorsque la mise en vente s'éternise et que les frais liés à la possession des deux biens commencent à peser dans leur budget. Les agents immobiliers compétents (ils se reconnaîtront) s'échinent à leur faire entendre raison, pour qu'ils arrivent à vendre dans un marché démotivé, il faut qu'ils baissent leurs prix, mais souvent, ils préfèrent attendre dans l'espoir de trouver un acheteur miraculeux. Après une période de très forte hausse, il est normal qu'il y ait une stagnation, pendant laquelle le marché est presque arrêté, et ce jusqu'à ce qu'il devienne raisonnable.

La chute actuelle, très rapide, est l'indice que nous sommes entrés dans cette période. Il y a toujours des transactions, mais bien moins qu'auparavant, car les attentes des acheteurs et des vendeurs ne sont plus en phase. Les vendeurs ne baissent généralement pas leurs prix, et n'ont donc plus d'acheteurs : cette phase peut durer un certain temps, et la baisse des prix n'est pas forcément rapide.

Par ailleurs, il est possible qu'une fois la baisse enclenchée, on observe un retour sur le marché d'acheteurs satisfaits d'une baisse faible mais sensible, persuadés de réaliser une bonne affaire. De même, l'effet saisonnier pourra continuer à faire ressentir l'impression d'une embellie passagère. On ne peut donc pas simplement observer la courbe verte des montants et décréter que la courbe noire des prix suivra en observant la même pente. Tout au plus peut-on penser qu'il est légitime de s'attendre à ce que les prix réintègrent à terme leur canal historique.

Retrouvera-t-on les prix de 2000 ? Comme les prix étaient dans la « normale » en 2000, on pourrait se dire que l'on devrait revoir ces prix un jour. Il n'en est rien, car depuis 2000, les revenus des ménages n'ont cessé de progresser. On le perçoit généralement différemment car on néglige l'évolution des modes de vie qui absorbe une partie des gains de pouvoir d'achat, comme les dépenses accrues de téléphonies et d'Internet, l'augmentation des dépenses culturelles, etc. De plus, on ne mesure que sa propre évolution salariale, sans prendre en compte la hausse des revenus globale liée à la baisse du chomage, etc... En réalité, les revenus ont, en valeur, augmenté d'environ 40% depuis cette date en moyenne. Retourner au milieu du tunnel correspondrait à des prix 40% plus élevés.

Les prix baisseront-ils avec la même ampleur qu'ils ont monté ? Ce n'est qu'une des hypothèses, celle qui semble se concrétiser d'après certaines sources qui font état de baisses significatives au premier trimestre 2009, après une baisse déjà sensible fin 2008 des prix de transaction (et non pas des prix d'annonce, qui eux sont restés élevés, comme le montrent les courbes présentées sur le site de cotation). Mais l'observation faite par J. Friggit ne permet pas de prédire qu'un retour à la normale se fera exclusivement par une baisse des prix. S'il faut que l'indice baisse de 39% pour retrouver sa tendance à long terme, cela ne veut pas forcément dire que les prix vont baisser de 39%. Si les revenus continuent de progresser tels qu'ils ont progressé ces dernières années, cela peut aussi, à l'autre extrême, se traduire par 12 années de stagnation. Le plus probable est que nous assistions à un mélange des deux, avec une forte baisse dans un premier temps, suivie d'une stabilisation ou d'une baisse légère, qui finira de résorber les excès de la bulle. On ne peut néanmoins exclure une chute brutale avec la poursuite du blocage des transactions, et des vendeurs qui maintiennent des prix élevés d'annonce de nature à dégoûter les acheteurs potentiels de se réintéresser au marché. Nous nous retrouverions alors avec un marché mort, et des acheteurs potentiels si attentistes que même des baisses raisonnables ne seront plus de natures à attirer.


Un marché mort

Il en irait de même si la confiance ne revenait pas, par exemple si la crise internationale se prolonge, ou si les conditions d'emprunt se dégradaient à nouveau.

Dans un prochain article, nous publierons une comparaison internationale des évolutions des prix et du nombre de transactions, dans les pays où la bulle a éclaté.






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