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"Le manque de logements en France : une idée reçue ?" 

Alors que le ralentissement du marché est avéré, dans le neuf comme dans l'ancien, au premier semestre 2008, les analystes prédisent stagnation, baisse voire krach sur les prix. Ils écartent néanmoins majoritairement une baisse rapide, en citant des exceptions françaises susceptibles de soutenir le marché. La première d'entre elles est la pénurie de logements, dont il manquerait 800 000 en France. Idée reçue ? Réalité ? Qu'en est-il ?


Une pénurie de logements ? Cachez ces sans-abri que je ne saurais voir !

On peut s'étonner de la similitude de chiffre entre les 800 000 logements manquants et le nombre de SDF et de « personnes aux portes du logement », avancé par le haut-commissaire aux Solidarités et la fondation Abbé-Pierre. S'il est vrai qu'il y aurait environ 800 000 personnes privées de logement, c'est faire un raccourci bien rapide que d'imaginer qu'elles le sont faute de logement disponible sur le marché. L'exclusion provient de multiples facteurs, et notamment de l'impossibilité, faute de revenus, d'acquérir ou de louer un logement décent. On peut écarter l'idée d'une pénurie réelle, à savoir de l'impossibilité pour certains de se loger du seul fait de l'absence de logement à acquérir !

La notion de pénurie de logement, reprise très largement, n'est jamais clairement définie par ceux qui en parlent. De même que l'expression « crise du logement », récurrente depuis l'après-guerre, cette idée est séduisante : elle cristallise un ensemble de peurs très présentes dans la société française. Perçue comme un rempart contre la paupérisation lors du départ à la retraite, l'acquisition immobilière est séduisante. Confrontée à des prix élevés, la clientèle qui ne peut acheter les logements souhaités rationalise cela en acceptant l'idée de pénurie : s'il y avait plus de logements, ils seraient nécessairement moins chers... Le coût s'explique et se justifie par une rareté imaginaire, bien plus facile à concevoir que les mécanismes réels de détermination des prix immobiliers, qui font appel à des considérations plus complexes, notamment en raison du recours au crédit. Ce raisonnement simpliste sur le coût du logement n'est pas nécessairement vrai à tout moment : il existe d'une part des coûts incompressibles de production, qui empêchent de vendre en dessous d'un certain seuil. Par ailleurs, le lien entre l'abondance de l'offre et le prix, s'il est vrai sur le long terme, peut être cassé de façon ponctuelle – et spectaculaire – en raison du comportement spéculatif de certains acquéreurs. Ainsi, on a pu voir qu'en Espagne, les prix ont connu une impressionnante flambée de 80% entre 2001 et 2006, alors que le nombre de logements disponibles a progressé de 17%. L'excédent considérable de logements par rapport au nombre de familles ne s'y est pas traduit, bien au contraire, par une baisse des prix. L'Espagne détient ainsi le triste record du pays souffrant du plus fort excédent de logements rapporté à sa population... L'évolution des prix est plus complexe qu'un simple équilibre entre la population et le nombre de logements ! Et ce qui vaut à la hausse vaut à la baisse : il n'est pas dit qu'une réduction de l'offre, telle que celle que les promoteurs organisent en diminuant les mises en chantier, ait un effet immédiat sur les prix de l'immobilier à venir.


Doit-on se désintéresser du stock des logements ?

Non, car s'il ne joue pas un rôle essentiel, ce stock est un facteur parmi d'autres, et il convient de le surveiller, notamment pour éviter que la pénurie imaginaire ne devienne une pénurie réelle, faute de construction par exemple. Il faudrait donc disposer d'une formule permettant de déterminer le nombre de logements nécessaires. Ce n'est malheureusement pas si simple, et certains commentateurs du marché de l'immobilier n'hésitent pas à dire qu'en raison de la faiblesse du nombre de logements, la chute des prix en France ne pourra qu'avoir une ampleur limitée. Mais comment mesurer cette rareté du logement ?


La France est-elle mieux lotie que ses voisins ?

Pour savoir si l'offre est insuffisante, on peut d'abord établir des comparaisons avec les pays qui connaissent actuellement une crise immobilière. Si le marché français doit être soutenu par la pénurie, on doit pouvoir établir que le nombre de logements disponible y est moindre. Comparer les chiffres dans l'absolu n'est évidemment pas pertinent : il faut diviser le nombre de logements par le nombre de ménages pour faire des comparaisons. On peut même affiner en soustrayant au nombre total de logements le nombre de résidences secondaires, car elles ne sont pas disponibles sur le marché. C'est tout particulièrement important dans le cas de la France, qui compte un très fort taux de résidences secondaires, notamment en raison d'un engouement certain des étrangers pour notre pays.

En France métropolitaine, le compte du logement de l'INSEE estime à 32,5 millions le nombre de logements, parmi lesquels 3,2 millions de résidences secondaires. Il y a donc 29,3 millions de logements pour 26,4 millions de ménages. Cela correspond à 1,11 logement par ménage. Cet excédent n'est pas inquiétant : il est normal pour permettre la mobilité résidentielle qu'il y ait une rotation des logements, donc un certain pourcentage de logements inoccupés, en cours de commercialisation, etc. Comparons maintenant le chiffre aux autres pays : il est évident que le marché français est plus tendu que son homologue espagnol (où le ratio atteint 1,52) mais il est moins tendu que les marchés américains (où l'on compte en 2006 123 millions de logements hors résidences secondaires pour 111,6 millions de ménages, soit un ratio de 1,10) et anglais (où l'on compte 26 millions de logements principaux pour 24,9, millions de ménages en 2006, soit 1,044). Les prix n'en reculent pas moins dans ces deux derniers pays... Prétendre qu'il y aurait en France une grave pénurie qui empêcherait toute baisse notable des prix semble donc discutable : la situation ne semble pas différente d'autres pays frappés par la crise. On notera qu'il s'agit de moyennes nationales : des variations locales sont bien évidemment possibles, mais Londres n'échappe pas à la baisse qui frappe l'ensemble du Royaume-Uni, alors qu'elle bénéficie d'une attractivité importante.


L'offre ne s'est pas raréfiée ces dernières années.

Mais les situations internationales ne sont pas immédiatement comparables ! Ainsi, les États-Unis peuvent s'accommoder d'un nombre de logement par ménage légèrement supérieur en raison d'un taux de rotation des occupants plus important : avec un marché du travail plus flexible et couvrant de plus grandes étendues, il est moins rare de déménager pour des raisons professionnelles. Pour des situations plus similaires, autant replacer les chiffres hexagonaux dans une perspective historique.


De 1985 à 1991, certaines zones françaises, classées parmi les plus attractives, comme la région parisienne ou la Côte-d'Azur, ont connu de fortes hausses des prix, suivi d'une contraction importante (avec des prix presque divisés par deux à Paris !). Regardons le ratio de disponibilité des logements au plus fort de la bulle : on comptait en 1990 21,542 millions de ménages pour 24,071 millions de logements, soit 1,12 logement par ménage. Une situation très similaire à nos jours, à 0,68% près, au niveau national. Gageons que la demande était plus forte dans les zones de forte attractivité. Néanmoins, elle n'a pas suffi à enrayer la baisse au cours des 8 ans qui ont suivi. On remarquera également qu'en 1999, on compte 23,8 millions de ménages pour 26,5 millions de logements hors résidences secondaires : un ratio de 1,11, le même qu'aujourd'hui. La baisse ne peut donc pas être attribuée à une création abondante de logement sur la période, qui aurait résorbé une pénurie éventuelle : tout au long du cycle précédent, tant à la hausse qu'à la baisse, puis durant la remontée des prix jusqu'en 2007, le ratio est resté constant, sans qu'il n'ait d'influence déterminante sur les prix.


Si l'on regarde au niveau de la province uniquement, la période 1985-1998 correspond à une période historiquement basse pour les prix. Si la pénurie de logement devait contraindre les prix à monter, ils auraient progressé sur cette période, notamment en 1990-1998, au lieu de rester très proche de leur point bas. En somme, on ne voit pas de très forte corrélation entre la disponibilité des logements par ménage, presque constante sur ces 20 dernières années, et les variations de prix, tant à la hausse qu'à la baisse. En tout cas, le passé a montré que dans une situation de rareté équivalente à celle que nous connaissons actuellement, les prix ont pu néanmoins chuter lourdement.


On ne peut, à la seule vue de ces chiffres, déterminer s'il y a « assez » de logement, car il faudrait connaître un nombre idéal. On voit néanmoins que la pression sur le logement a peu varié : elle a été presque constante durant 20 ans. S'il faut accélérer les constructions, ce n'est pas pour corriger un manque récent, mais bien créer une offre supérieure à celle que l'on connaît depuis 20 ans. Une idée très populaire : le gouvernement martèle un objectif de 500 000 constructions neuves, alors que les projections d'accroissement du nombre de ménages tablent au mieux sur 300 000 nouveaux ménages. Gageons que cet objectif est plus profitable au secteur du bâtiment que pour résorber un quelconque manque de logement. Tout au plus est-il probable que la tension sur le logement ait été légèrement plus forte au début des années 2000, car ce n'est que dans ces dernières années 2005-2007 que les records de construction neuve ont largement compensé le nombre de nouveaux ménages.


Attention toutefois à ne pas tomber dans l'excès inverse et négliger complètement l'évolution de la demande : si au niveau national, il n'y a aucun manque flagrant, il est clair que toutes les régions ne se valent pas, et la construction, ces dix dernières années, n'a pas été aussi dynamique partout. Il a pu devenir plus difficile de se loger à certains endroits attractifs, alors qu'ailleurs, des zones délaissées voyaient des constructions surnuméraires apparaître (l'échec de certains investisseurs attirés par la défiscalisation dans des lieux où le marché locatif était atone en témoigne). Mais ces divergences existent dans tous les pays, et il serait déraisonnable d'écarter d'emblée une baisse des prix en raison d'une exception de pénurie purement française.


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